«Ce qui me renversait, c'était tout simplement le nombre des objets, ces épaves de vie, et la façon dont ils circulaient. Les gens mouraient mais pas leurs possessions, elles continuaient à tourner en rond, en lent tourbillon. Toutes les choses que je voyais et que je convoitais avaient déjà été vues et convoitées auparavant, elles avaient survécu à plusieurs vies et étaient destinées à en traverser plusieurs autres, en s'usant de plus en plus mais aussi en acquérant de la valeur, comme si elles avaient absorbé les souffrances et leurs propriétaires et s'en étaient nourries. Comme c'est difficile de se débarrasser de ces objets, pensai-je; ils guettent passivement, comme des moutons vampires, celui qui viendra les acheter.»
Lady Oracle; Margaret Atwood / O.W. Toad Ltd., 1976 / Traduction française Éditions Robert Laffont / mai 2021 (p. 258)
Ils désiraient tous ce qu'ils ne pouvaient obtenir. Nous mesurons notre réussite sur la formation des désirs et de leur satisfaction.
Il existe différentes sortes de «collectionneurs» :
1. Les antiquaires achètent et revendent des objets qui peuvent avoir une valeur historique, socioculturelle, etc.
2. Les brocanteurs achètent et revendent des objets – parfois des antiquités, mais généralement il s'agit d'objets de peu de valeur, «kitch», et moches sur le plan esthétique
3. Les accumulateurs compulsifs gardent et ne vendent ni ne jettent rien de ce qu'ils ramassent, au point que certains ne peuvent même plus circuler dans leurs logements.
Accumulation compulsive (ou syllogomanie)
Photo via Obsession Addict
Le TAC se caractérise par l’accumulation et l’entreposage d’objets, en quantités élevées. Habituellement, ces objets ne possèdent pas de valeur perceptible (comme dans une collection).
La plupart des objets peuvent devenir sujets à l’accumulation, mais les plus communs sont les • journaux • revues • dépliants • reçus • comptes • déchets domestiques / ordures • cartons et sacs • aliments en conserve • correspondance / courriels • vêtements • meubles
Différence entre l’accumulation et les collections
Photo : Blogue Via Rail (Vieux-Québec)
Les collectionneurs peuvent accumuler plusieurs objets comme des épinglettes, des insignes, des bouchons de bouteille, etc. Cependant, le collectionneur éprouve un sentiment de fierté face à sa collection. Il s’agit là d’une activité sociale et il peut participer à des rencontres ou être membre d’un club avec d’autres collectionneurs qui partagent le même intérêt. Par ailleurs, certaines collections peuvent exiger un grand espace physique mais cela ne veut pas dire qu’elles empiètent sur l’espace vital.
Pourquoi est-ce qu’ils accumulent?
Deux motivations importantes semblent inciter à l’accumulation : utilitaire et sentimentale.
Dans la première catégorie, les personnes se disent : «J’en aurai besoin un jour» ou «Et si j’avais (ou quelqu’un a) besoin d’information, d’une recette, d’un reçu, d’une boîte vide, etc… plus tard?». Bien sûr «un jour», ou «plus tard», n’arrive jamais et pendant ce temps, la pile d’objets qui «peut être utile un jour ou l’autre» continue de s’accumuler et d’encombrer.
Les accumulateurs sentimentaux sont généralement des personnes dont l’attachement pour des objets grandit anormalement jusqu’au point où elles les considéreront comme de petites personnalités ou comme étant une partie de leur personnalité. Donc, elles ne peuvent tolérer d’être séparées d’eux. Selon notre expérience, les accumulateurs ont souvent à la fois des motivations d’accumulation sentimentales et utilitaires.
Les accumulateurs sont-ils des personnes en désordre?
Les maisons des accumulateurs semblent souvent en désordre et désorganisées mais, étonnamment, ces personnes ne manquent pas de compétences organisationnelles ou d’un sens des responsabilités.
Pour un accumulateur, les piles pêle-mêle sont souvent là de façon «temporaire»; souvent, les personnes qui souffrent de ce trouble rapporte attendre d’avoir le temps de s’organiser, d’intégrer l’informations ou de faire le tri des objets. Évidemment, la situation est rarement temporaire car ce n’est jamais le bon moment pour y faire face.
De fait, généralement, le seul moment où la personne se décide à régler l’encombrement, c’est lorsqu’elle doit s’y confronter en thérapie. Paradoxalement, les personnes qui accumulent sont souvent bien organisées et responsables dans d’autres facettes de leur vie; elles peuvent même être très préoccupées par le fait de commettre une erreur qui pourrait les mener à l’accumulation.
Impacts de l’accumulation à long terme
Les accumulateurs vivent souvent très isolés et mènent une vie remplie de contraintes.
Premièrement, ils sont réticents à laisser entrer des personnes dans leur maison parce qu’ils pourraient avoir honte de l’état d’encombrement dans laquelle ils se trouvent.
Leur problème peut également les faire se sentir coupables et ils peuvent souffrir de dépression. Cela devient aussi difficile de débuter ou de maintenir une relation avec les accumulateurs étant donné que le niveau de compréhension de la problématique par le partenaire est généralement faible.
De plus, l’accumulateur peut éprouver de véritables difficultés pour fonctionner normalement dans la vie. Par exemple, il peut avoir difficilement accès à la cuisine ou à la salle de bain à cause de l’encombrement; il peut ne pas retrouver des lettres ou des documents importants perdus quelque part dans les piles; il peut faire face à des menaces constantes d’éviction de la part des propriétaires ou des autorités.
Comment traiter l’accumulation compulsive?
La première chose à faire est d’éduquer la personne sur ce trouble et de la motiver à traiter son problème le plus tôt possible (non pas quand elle sentira qu’elle en aura le temps).
Une thérapie cognitive et comportementale (TCC) est alors requise afin que la personne se rende compte que sa pensée «peut-être qu’un jour, j’en aurai besoin» n’est pas réaliste. Il est alors important d’élaborer une hiérarchie de l’encombrement à éliminer, de façon graduelle. La première étape est l’organisation de l’encombrement en catégories gérables. Ce tri ne doit pas signifier «changer les objets de place» dans l’encombrement, ce qui signifierait de déplacer simplement les articles vers de nouvelles piles accumulées ailleurs dans l’environnement.
Il sera aussi important de travailler avec la personne afin de limiter les acquisitions dans le but de réduire la quantité de possessions contribuant à l’encombrement. Ceci peut entre autres être fait en amenant la personne qui accumule à se questionner davantage face à ses acquisitions.
L’organisation est suivie par une deuxième étape: jeter des objets. L’action de jeter devrait être entreprise immédiatement après celle du tri, étant donné que tout délai peut mener à la procrastination.
Tout en négociant avec l’encombrement, toute autre habitude d’accumulation problématique nécessite d’être traitée. Il est important que la personne adopte et conserve des moyens non obsessifs de vivre au quotidien avec les dépliants, les déchets et l’information. Par exemple, décider quel coupon conserver de la circulaire du supermarché le jour même qu’il est déposé dans la boîte aux lettres plutôt que de le garder jusqu’au «bon moment» pour y jeter un coup d’œil, car évidemment cela ne se produira jamais.
Il n’est pas recommandé de proposer à l’accumulateur de se tourner vers le camion à rebuts ou de tout mettre à la rue sans égard à ses désirs. Même si pour les membres de la famille cela peut sembler une option évidente, cette façon d’agir causera à coup sûr un traumatisme chez l’accumulateur et renforcera son trouble. Une telle stratégie pourrait être justifiée dans le cas où l’encombrement implique des risques importants pour la santé ou pour le feu; néanmoins, cela reste dévastateur pour l’accumulateur.
Source : Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, Montréal QC
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