24 juillet 2020

De vraies histoires imaginées

Nous avons été faits pour cette époque
(Anonyme)

Le monde est fait d'histoires. Un web secret d'accords sur ce qui est «bien» et «mal», ce qui est «normal» et «bizarre», et ce qui est «possible» et «impossible». Ces histoires dictent notre comportement en tant qu'individus et en tant que sociétés. Et elles peuvent être piratées.

Derrière chaque injustice et acte de violence se cache un ensemble (souvent non exprimé) de suppositions et de croyances sur la façon dont le monde fonctionne. Et derrière chaque «miracle» se cache une personne qui a osé croire qu'un autre monde était possible. Nos vies s'étendent – ou se contractent – en fonction des histoires que nous nous racontons, et nous pouvons choisir le monde que nous souhaitons habiter en prenant conscience des histoires que nous voulons partager, amplifier et incarner chaque jour.

Aujourd'hui, beaucoup des vieilles histoires qui permettaient aux gens de comprendre le monde s'effondrent. La peur, la confusion et la tristesse sont largement répandues face à la pandémie mondiale.

Nous ne pouvons pas choisir les moments où nous naissons, mais nous pouvons choisir comment réagir. Et en tant que créateurs d'histoires et pirates culturels, nos paroles et nos actions ont un pouvoir incroyable. Ce sont les muscles de l'espoir. Nous avons été faits pour cette époque.


Commentaire (partiel) d’un internaute : Je me souviens de L'homme qui plantait des arbres. Dans une apparence de chaos et de totale dévastation, un simple berger qui a perdu sa femme et son seul enfant à la guerre commence à ramasser des glands pour planter des chênes. Dix ans plus tard, il plante d'autres arbres. Dix ans plus tard, une forêt s'est développée, les ruisseaux et les rivières reviennent, le village vide commence à revivre. L’I-Ching appelle cela le «point tournant» (‘Turning Point’). Après un temps de délabrement vient le tournant. La puissante lumière qui avait été bannie revient.

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Tableau : Shoshanah Dubiner, Endosynbiosis, hommage à Lynn Margulis, 2012 
© Aline Wiame (Site thaêtre)

«Aussi loin que l’on remonte dans le temps, aussi profond que l’on s’enfonce dans la jungle ou le désert, on ne trouve aucune trace d’un groupement humain ayant vécu ou vivant dans la seule réalité, la constatant et la commentant, sans (se) raconter à son sujet.
   Si les fictions avec personnages sont omniprésentes dans notre espèce, c’est que nous sommes nous-mêmes les personnages de notre vie – et avons besoin d’apprendre notre rôle.
   Personnage et personne viennent tous deux de persona : mot bien ancien (les Romains l’ayant emprunté aux Étrusques) signifiant «masque».
   Un être humain, c’est quelqu’un qui porte un masque.
   Chaque personne est un personnage.
   La spécificité de notre espèce, c’est qu’elle passe sa vie à jouer sa vie.
   Les rôles qu’on nous propose seront plus ou moins divers, plus ou moins figés, selon la société dans laquelle nous naissons. On nous montrera comment nous y prendre pour les jouer, on nous apprendra à imiter des modèles et à intégrer les récits les concernant.
   L’identité est construite grâce à l’identification. Le soi est tissé d’autres.
   Oui : nous avons tous besoin (comme le disait Beckett) de compagnie.
   Notre cerveau, même celui du philosophe rationaliste le plus misanthrope et monacal, grouille littéralement de la présence des autres.»

~ Nancy Huston (L’espèce fabulatrice, p. 157; Actes sud / Leméac, 2008)

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