Quelques bribes
d’une conversation entre le journaliste Patrick Lagacé et le poète et chanteur Gilles
Vigneault
Gilles Vigneault fait les sucres
La Presse 29
mars 2020
Je ne me
considère pas comme un oracle ou quelqu’un de sage. Enfin, sage : peut-être la
semaine prochaine! Mais je suis une personne à risque, j’ai 91 ans, c’est la
seule chose qui me donne le droit de parler...
Ce que je
fais aujourd’hui? Eh bien, le Bouddha a dit : «Fais ce que tu fais d’habitude,
en ayant beaucoup d’empathie.» Bouddha, j'en ai une statue dans mon jardin. Des
fois, je vais la voir... Et je lui pose des questions. C’est drôle, elle me
répond! Elle me dit : «Pense à l’autre.» Elle me dit : «Tu es dans
l’impermanence.» Je pense que c’est ce que la pandémie nous a laissé de plus
précieux : nous ne serons plus les mêmes, comme nous n’avons plus été les mêmes
après la bombe atomique. Aujourd’hui, il faut des réflexions qui ne soient pas
toujours conduites par les taux d’intérêt et l'argent. Des fois, je me dis : «Est-ce
que nous méritons la Terre?»
Photo :
Didier Charrette © Ben Photo / VOIR.CA / Septembre 2019
Si je
m’ennuie? Je ne m’ennuie jamais! L’expression «je m’ennuie» a une curieuse
signification pour moi, c’est pronominal, ça rebondit sur le pronom : je suis
celui qui ennuie moi! Quand tu fais face à ça, tu te dis : «Je vais attendre
que les autres m’ennuient, et là je vais me plaindre!» Je ne m’ennuie jamais.
Je rêve beaucoup. Il m’arrive de parler. Mais il m’arrive beaucoup, beaucoup
plus de me taire! C’est simplement un exercice de préparation pour plus tard,
c’est du rodage...
Ça ne sert à
rien de se confiner à écouter la peur... La peur! On la connaît, la peur. Elle
arrive, laide comme un pou, on lui dit qu’elle est laide, elle retourne se
maquiller et revient belle comme une déesse des variétés : faut jamais se
laisser abuser par la peur!
C’est bien de
prier! Mais on ne peut pas se confier qu’aux prières. Quand on se confie aux
prières, on donne le job à quelqu’un d’autre. Mais quand on se confie à soi-même,
là on est à l’ouvrage!
On apprend
qui nous sommes dans cette pandémie, on apprend que nous sommes tous devenus
responsables de nous, et du voisin. C’est extraordinaire. Ça ne nous est jamais
arrivé avant. C’est un moment de réflexion, de réalisation de ce qu’est la
planète, de ce qu’on est... C’est la première fois dans l’histoire de la Terre
habitée qu’on a une photographie instantanée de nous-mêmes. Et chacun de nous
peut faire un selfie : c’est un immense miroir qui nous dit qui nous sommes et
ce que nous faisons sur cette Terre. Qui nous dit d’où nous venons. Qui nous
demande : «Êtes-vous digne de cette planète?» Et on ne sait pas trop quoi
répondre. C’est la première fois qu’on a une photographie qui nous renvoie
notre image : est-ce qu’on continue comme ça? Oui, il faut penser à l’autre,
l’autre juste à côté... L’autre qu’on a un peu oublié...
Réfléchir,
c’est fléchir le genou de nouveau, s’apercevoir qu’on s’est trompé. Réfléchir,
c’est s’arrêter... Il y aura un après, il en est sûr. Mais l’après se prépare
maintenant.
Alors le
Bouddha m’a dit ce matin : «Que fais-tu aujourd’hui?» J’ai répondu : «Du
sirop!» Il m’a dit : «Continue et donnes-en à tout le monde...»
Article
intégral :
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Le réchauffement climatique est un
tueur en série, comme le coronavirus
Le suicide
collectif amorcé avec la révolution industrielle se poursuit sans interruption,
et l’ensemble des industries y veille, menaçant espèce après espèce – et la
nôtre par voie de conséquence – grâce à son incomparable savoir-faire.
On voit des désastres à la hauteur des
scénarios apocalyptiques du cinéma. J’aimerais croire à la prière. Il n’y a pas
de mots pour qualifier le film d’horreur qui joue en boucle à l’échelle
planétaire. Restaurer des lieux, relocaliser des gens, limiter la propagation
des épidémies, soigner, fournir de l’eau potable, de la nourriture, des
vêtements, rétablir l’électricité... c’est un casse-tête colossal. Comment
sortir de pareil bourbier? Où fuir? Il n’y a pas de refuges. C'est infiniment
triste et l'on se sent impuissant devant l'ampleur de la tâche, même avec la
quantité de bonnes âmes qui se dévouent.
Pour inciter des grands pollueurs tels que
l’industrie pétrochimique et l’agrobusiness à devenir éco-responsables, tout ce
que nous pouvons faire est de changer nos propres habitudes de consommation et
nos comportements. Sinon, ils continueront à détruire la terre sans se faire de
souci.
Quand on sait, on peut choisir, choisir
d’aller d’un côté ou de l’autre selon sa propre conscience et non pas selon
celle de Joe Blow à Radio-Poubelle. L’ignorance n’offre aucun choix.
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Mots du jour :
La peur mène
à la panique
La panique
mène à la souffrance
La souffrance
mène à la haine
Optimisme :
Le monde va frire, mais les eaux de la fonte des glaciers vont l’arroser.