25 juin 2019

Québec kitsch / vintage


Des symboles kitsch ou vintage?
De bon goût ou de mauvais goût?
Rien de plus subjectif.

Dans les années1960/1970, le kitsch à l’américaine avait pris de l’expansion, notamment en restauration rapide. C’est après 1975 que les bistrots à l’européenne se sont multipliés à Montréal et à Québec – l’Expo universelle de 1967 et les Jeux Olympiques de 1976 ayant ouvert des portes à une variété de cultures autres que l’américaine.


Le casse-croute Orange Julep (boulevard Décarie) existait depuis 1932 lorsque la construction de l’autoroute Décarie en 1967 obligea le propriétaire à déplacer en retrait son resto pour dégager la voie. Jusqu’au tout début des années 2000, les serveuses, vêtues de mini-jupes, servaient les clients en patins à roues alignées aux voitures. La grosse boule orange attire encore les ralliements de collecteurs d’anciennes voitures. 


 
Le légendaire restaurant de viande fumée, Schwartz’s Deli, a ouvert sur le boulevard Saint-Laurent en 1928. On voit encore des clients attendre en file même en hiver... Il fut acheté par René Angélil (conjoint de Céline Dion, décédé depuis) et la famille Nakis, en 2012.

Le populaire BENS De Luxe Delicatessen a ouvert en 1908 sur le boulevard Saint-Laurent, puis déménagea sur le boulevard de Maisonneuve. Fermée en 2006, l’icône art déco fut démolie en octobre 2009. On dit que le Deli était déjà mort depuis longtemps.

Leonard Cohen enters the legendary BENS De Luxe Deli in the 1965 NFB documentary Ladies and Gentlemen Mr. Leonard Cohen. He was a frequent customer, calling the deli, which was open 22 hours a day until it closed in 2006, one of the city’s after-hours hot spots. (Photo: National Film Board of Canada)

Un décor qui rappelle “Nighthawks” du peintre américain Edward Hopper.  

Des mordu.e.s défendent avec vigueur notre patrimoine kitsch

Vive le Québec kitsch!
Mario Girard, La Presse 18 février 2019

Un «road trip» pour découvrir les hauts lieux du kitsch québécois, ça vous dit? C'est maintenant possible grâce à une carte géographique interactive. L'objectif de ses deux créatrices est de mettre en valeur les plus beaux endroits du faux et du trop! Partons ensemble sur la route du kitsch et voyons la vie en carton-pâte!

C'est en 2006 que la vie du célèbre restaurant Bens s'est arrêtée. En plein conflit de travail, le coeur du temple du «smoked meat» a cessé de battre après 98 ans d'activité. Parmi les bonnes âmes qui ont tenté de sauver l'institution montréalaise se trouvaient Caroline Dubuc et Roxanne Arsenault. C'est là que leur amitié a commencé.
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«Au Québec, on a tendance à associer le kitsch au quétaine, mais ce n'est pas la même chose. Il ne faut pas limiter cela au mauvais goût, car ce qui est laid pour certains ne l'est pas pour d'autres. C'est très subjectif.»
   Le patrimoine kitsch, qui se trouve dans plusieurs villes du Québec, nous vient en grande partie des immigrants italiens, grecs, espagnols ou chinois. Débarqués ici, les restaurateurs ou commerçants ont voulu recréer une certaine idée de leur pays d'origine. «Oui, mais avec nos codes à nous, dit Roxanne Arsenault. Et ça, c'est typiquement nord-américain. Cette architecture et ces décors coïncident avec notre découverte de ces cultures, de ces gastronomies.»
[...] 
   Comme pour toutes les autres formes de patrimoine, la protection du kitsch est difficile, mais possible, selon Caroline Dubuc. «Comme son caractère est souvent commercial, les choses sont plus compliquées. De plus, les lieux kitsch sont souvent définis à l'intérieur des bâtiments. C'est rare que l'on classe les intérieurs au Québec.»
   Même s'il existe une plus grande sensibilisation au kitsch et un intérêt grandissant pour ce style architectural et décoratif, reste que le Québec a perdu plusieurs beaux exemples de ce patrimoine au cours des dernières années. «Depuis la rédaction de mon mémoire, en 2011, la moitié des lieux kitsch du Québec ont disparu.»
   Pour sa part, Caroline Dubuc croit qu'il faut changer notre regard sur ce patrimoine. «Pour la majorité des gens, ce ne sont pas des lieux qui sont nobles. On n'est pas en face d'une église ou d'une maison victorienne. Mais ces lieux ont une valeur, ils racontent une histoire. Il est temps que l'on reconnaisse cela.»


Carte géographique interactive :

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C’est un invité de Plus on est de fous, plus on lit qui a motivé ce billet. Chère Marie-Louise, pour son dernier cabaret de la saison elle a choisi de nous faire rire. Parmi ses invités : un crooner romantique kitsch. Satire ou apologie? À vous de juger. 


Avec humour et séduction, le chanteur de charme «à l'eau de rose et à la coupe Longueuil» Gab Paquet nous livre un «micro ouvert» sur le kitsch. Celui que des journalistes définissent comme «la perfection faite homme» a lancé trois albums depuis 2013. Pour Gab Paquet, le kitsch est «un désir d’immortalité», qui provient du romantisme. Les œuvres Le banquet de Platon, et Création littéraire et connaissance du romancier et dramaturge Hermann Broch, l’ont inspiré. (Plus on est de fous, plus on lit) 

L’amour du kitsch
Par Gab Paquet

Il y a quelques années, en tant qu’homme sensible, je me suis mis à assumer cet amour pour le kitsch (un genre que l’on peut qualifier de quétaine, ringard, de pacotille, mais qui est en fait beaucoup plus que ça, je vous explique).

Étudiants, mes amis et moi on avait les moyens de magasiner à la friperie, on sortait toujours avec les plus beaux vêtements qu’on pouvait trouver (lol), on collectionnait les pochettes de vinyles de bon goût, qui venaient d’une époque où, par exemple, pour un album de danse continentale medley non-stop dancing les artistes n’avaient pas peur de poser à côté d’un orgue à gogo en chemise de strass déboutonnée jusqu’au nombril dévoilant au cœur du shaggy un médaillon orné de leur signe astrologique, où ils ne négligeaient jamais la présence de femmes à moitié nues pour par exemple un album intitulé Sexxxy sax, où ils posaient sur la pochette leur visage grandeur nature pour que les fans puissent les embrasser sur les lèvres... Ça nous envoyait le message que la limite n’existait pas, qu’on était au royaume de la démesure consommée. Mes amis et moi, on n’avait jamais connu cette époque-là, mais on en était nostalgiques. Le kitsch c’est amusant...

C’est à peu près à cette époque que j’ai découvert l’icône du kitsch francophone par excellence : Claude François, dit Cloclo, et ça m’a beaucoup inspiré. Quand on lit ses biographies, on se rend compte de l’écart entre ce qui est montré et ce qui est vécu. C’est fascinant. Le kitsch cache toujours quelque chose... Ça m’a fait me poser des questions... Mais qu’est-ce que le kitsch?

Un bref historique : avec l’avènement de la Révolution française, la société industrielle change en quelque sorte le paradigme esthétique. Par exemple, l’aristocrate, lorsqu’il avait envie de décorer son salon d’une statue de Néfertiti, passait s’en chercher une vraie en Égypte, mais le nouvel esprit esthétique bourgeois sait se contenter de ce que l’industrie peut produire. On produira donc des statues décoratives égyptiennes de façon industrielle pour satisfaire les besoins décoratifs de l’homme qui aime les voyages, l’exotisme et le mysticisme ancien. Kitsch dans sa définition première veut dire : imitation de pacotille ou quelque chose du genre.

Les objets se mettent donc à avoir des propriétés qui suggèrent dans le quotidien un sentiment de continuité métaphysique, de disparition de la séparation d’avec la source divine originelle. On assiste à l'avènement des poivrières tour Eiffel, des coquillages porte-savon à l’effigie du pape, des mini coffres-forts à l’image du masque funéraire du pharaon Toutankhamon, des cadres holographiques de Jésus qui se transforme en Vierge Marie selon l’angle de contemplation.

On peut dire que le kitsch est né à l’époque du romantisme, une tendance à porter l’amour unique dans l’absolu et à en faire le but ultime de l’existence humaine. Tout le monde sait que l’amour, dans la vraie vie, n’est pas comme dans les romans à l’eau de rose... à quelques exceptions près, ma copine, par exemple, vous dirait sûrement qu’avec moi, elle vit la Saint-Valentin chaque jour, mais ce n’est pas tout le monde qui poursuit comme moi cette quête d’immortalité. En tant que chanteur de charme, je dois maîtriser la discipline pour en être un digne représentant. Le kitsch est un état d’esprit de l’absolu qui relègue le mal, le laid, le grotesque, la souffrance à l’inexistence.

On le retrouve dans toutes les sphères de la vie : l’amour, la mort, la politique, le sexe (pornographie), la religion et la spiritualité (nouvel âge surtout), la publicité. Dans toutes les sphères de la vie qui touchent (ou prétendent toucher) un désir humain fondamental. Ce n’est pas surprenant qu’il s’agisse de l’esthétique artistique préférée des régimes totalitaires. Eux, ils ne l’ont pas choisi pour s’amuser. Le kitsch est un masque. C’est ce qu’on peut reprocher au kitsch : les clichés, la pensée en bloc, l’infantilisation, le populisme… Mais, le kitsch est aussi un procédé par lequel les enfants apprennent le monde (c’est peut-être pourquoi on me dit que beaucoup d’enfants aiment ma musique), mais le kitsch, c’est ma façon d’être authentique à 110 %. Je crois qu’il faut savoir se réapproprier les symboles pour en faire quelque chose de nouveau. Je crois qu’il faut cesser de contempler les ombres que projettent les paillettes et la boule disco sur les parois de la caverne, qu’il faut faire face à la vérité, découvrir la piste de danse telle qu’elle est et apprendre à danser. Le kitsch, c’est du sérieux.

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