Il paraît que
depuis l’éclosion du COVID-19, le roman d’Albert Camus, La Peste (1947),
connaît un important regain de popularité :
«Le roman qui
dépeint l'arrivée d'une épidémie contraignant les habitants à rester cloîtrer
chez eux, connaît une forte hausse des ventes depuis quelques semaines. Sur nos
télés, sur nos ondes, et dans nos journaux, dans nos comportements sociaux… il
est absolument partout. Et même dans notre consommation de culture.»
(Les Inrockuptibles)
En 2020 : même problème, mais mondial plutôt que régional.
Citations tirées du roman.
Ah! Si c'était
un tremblement de terre! Une bonne secousse et on n'en parle plus... on compte
les morts, les vivants, et le tour est joué. Mais cette cochonnerie de maladie!
Même ceux qui
ne l'ont pas la portent dans leur coeur.
La seule
façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste.
Le fléau
n'est pas à la mesure de l'homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c'est
un mauvais rêve qui va passer.
Chez les uns,
la peste avait enraciné un scepticisme profond dont ils ne pouvaient se
débarrasser.
Les fléaux,
en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux
lorsqu'ils vous tombent sur la tête.
En même temps
que les secours envoyés par air et par route, tous les soirs, sur les ondes ou
dans la presse, des commentaires apitoyés ou admiratifs s'abattaient sur la
cité.
Des
imprimeurs de la ville virent très vite le parti qu'ils pouvaient tirer de cet
engouement et diffusèrent à de nombreux exemplaires les textes qui circulaient.
Les mesures
n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de
ne pas inquiéter l'opinion publique.
Beaucoup de
gens réduits à l'inaction par la fermeture des magasins ou de certains bureaux
emplissaient les rues et les cafés. Pour le moment, ils n'étaient pas encore en
chômage, mais en congé.
Les foyers
d'infection sont en extension croissante. À l'allure où la maladie se répand,
si elle n'est pas stoppée, elle risque de tuer la moitié de la ville avant deux
mois.
Si l'épidémie
s'étend, la morale s'élargira aussi.
On avait
consigné des quartiers entiers pendant vingt-quatre heures afin de procéder à
des vérifications domiciliaires.
La situation
était grave, mais qu'est-ce que cela prouvait? Cela prouvait qu'il fallait des
mesures encore plus exceptionnelles.
Écoutez, dit
celui-ci, il faut l'isoler et tenter un traitement d'exception.
Tout d'abord,
le préfet prit des mesures concernant la circulation des véhicules et le
ravitaillement.
Il était au
courant des moindres détails du système d'évacuation immédiate qu'il avait
organisé pour ceux qui montraient subitement des signes de la maladie.
Diagnostiquer
la fièvre épidémique revenait à faire enlever rapidement le malade.
Ces salles
étaient d'ailleurs équipées pour soigner les malades dans le minimum de temps
et avec le maximum de chances de guérison.
Les malades
mouraient loin de leur famille et on avait interdit les veillées rituelles, si
bien que celui qui était mort dans la soirée passait sa nuit tout seul.
Hâtivement,
les corps étaient jetés dans les fosses. Ils n'avaient pas fini de basculer que
les pelletées de chaux s'écrasaient sur leurs visages et la terre les
recouvrait de façon anonyme.
Un arrêté
préfectoral expropria les occupants des concessions à perpétuité et l'on
achemina vers le four crématoire tous les restes exhumés.
La presse, si
bavarde dans l'affaire des rats, ne parlait plus de rien. C'est que les rats
meurent dans la rue et les hommes dans leur chambre. Et les journaux ne
s'occupent que de la rue.
Tout le monde
était d'accord pour penser que les commodités de la vie passée ne se
retrouveraient pas d'un coup et qu'il était plus facile de détruire que de
reconstruire.
Alors que le
prix de toutes choses montait irrésistiblement, on n'avait jamais tant gaspillé
d'argent, et quand le nécessaire manquait à la plupart, on n'avait jamais mieux
dissipé le superflu.
L'habitude du
désespoir est pire que le désespoir lui-même.
Le mal qui
est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance, et la bonne volonté
peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée.
C'est au
moment du malheur qu'on s'habitue à la vérité, c'est-à-dire au silence.
Épilogue :
À l'aube d'une
belle matinée de février, les portes de la ville s'ouvrent enfin. Les
habitants, libérés savourent mais ils n'oublient pas cette épreuve «qui les a
confrontés à l'absurdité de leur existence et à la précarité de la condition
humaine». Le narrateur a voulu relater ces événements avec la plus grande
objectivité possible. Il sait que le virus de la peste peut revenir un jour et
appelle à la vigilance.
Une chanson
de Félix Leclerc à été mise à l’index (bannie) dans une école parce qu’un
parent s’est plaint qu’on l’enseignait à des enfants de 3e année. La
nouvelle censure littéraire a envahi le milieu de l’éducation, et les parents en
profitent pour empiéter sur les compétences des enseignants. Cette chanson n’a
rien de malin, c’est juste une satire sur l’assurance-emploi de l’époque.
Cependant, parmi les cent mille façons de
tuer un homme, il y en a une qui les déclasse toutes (1).
Les 100 000 façons de tuer un homme
Félix Leclerc
Sur les cent
mille façons de tuer quelqu'un
La plus
dangereuse c'est le coup de fusil
La plus
onéreuse c'est le coup de canon
Ça demande
une équipe entraînée au bruit
Y'a toujours
la corde dite pendaison
Pour le noeud
coulant faut avoir le don.
Sûre que la
noyade attire les moroses
Mais pas
garantie parce que l'eau réveille
Y'a le bon
vieux poison mais là faut la dose
Pas assez tu
dors, un peu trop tu veilles.
Le gaz est
plus propre, pas de commentaires
Mais à tout
instant gare au courant d'air
Non je crois
que la façon la plus sûre de tuer un homme
C'est de
l'empêcher de travailler en lui donnant de l'argent.
Le rasoir ma
foi cette saloperie
A ses
fanatiques parce que c'est tranchant
La hache le
couteau et la scie aussi
Mais c'est un
domaine bourré d'accidents
Très peu
efficace est la collision
Ça brise une
face, laisse des lésions
Pour mourir
de soif faut la volonté
Le dégoût de
l'eau, surtout la santé
Non vraiment
j'y tiens la meilleure façon de tuer un homme
C'est de le
payer à ne rien faire.
Entre mourir
d'amour ou bien mourir de rire
La plus
achalandée c'est difficile à dire
Les deux
finissent en spasmes en soubresauts en transes
Mais les deux
sont jeudis
Le rire
toujours comique
Et l'autre
romantique.
La chaise
électrique c'est très indécent
Sauter dans
le vide pas toujours prudent
Étrangler
quelqu'un c'est perdre ses sens
Le trancher
c'est pire c'est les sans dessus dessous.
Non vraiment
je reviens aux sentiments premiers
L'infaillible
façon de tuer un homme
C'est de le
payer pour être chômeur
Et puis c'est
gai dans une ville ça fait des morts qui marchent.
(1) Il existe
une ultime façon de tuer un homme : c’est de le faire travailler très dur
pour un salaire de famine, voire, sans salaire.
Travail forcé en Érythrée : une
minière canadienne pourra être poursuivie au Canada
Timothé
Matte-Bergeron
ICI
Colombie-Britannique-Yukon / 28 février 2020
Une poursuite
intentée contre une compagnie minière canadienne pour violation des droits de
la personne pourra être entendue en Colombie-Britannique, même si les actes
allégués ont eu lieu en Érythrée, a tranché la Cour suprême du Canada.
Vendredi, les juges du plus haut tribunal du
pays ont débouté l’entreprise Nevsun Resources*, établie à Vancouver, qui
plaidait que les cours canadiennes n’ont pas compétence pour entendre le
recours civil intenté par trois réfugiés érythréens.
Ces derniers affirment qu'ils ont été forcés au travail, battus et
torturés alors qu’ils travaillaient dans la mine Bisha, en Érythrée, dont la
majorité des parts sont détenues par Nevsun Resources.
Aucune de ces allégations n’a été prouvée en
cour. La compagnie minière nie avoir
recouru à des conscrits de l’armée érythréenne, dont certains, selon une
enquête des Nations unies, sont enrôlés de force par l’État pour un service
militaire à durée illimitée, assimilable à de l’esclavage.
* Nevsun
Resources appartient, depuis l'an dernier, à la compagnie chinoise Zijing Mining Group.
Quand on
parle de minières canadiennes, il
faut savoir qu’elles n’ont de canadien que le siège social et qu’elles
appartiennent à des fonds étrangers.
Une minière canadienne poursuit la
Colombie
Cosigo Resources réclame 22 milliards
de dollars, car elle ne peut pas exploiter de l’or sur un territoire
autochtone.
Anne Panasuk
Enquête / ICI
Radio-Canada, 27 février 2020
Une minière
canadienne est au centre d’une dispute qui pourrait coûter cher à la Colombie.
La compagnie Cosigo Resources poursuit le gouvernement pour avoir créé un parc
national sur un territoire autochtone qu’elle souhaitait exploiter.
Les Macunas, un peuple de
chasseurs-cueilleurs qui se sédentarise peu à peu, vivent le long du fleuve
Apaporis, au coeur de l’Amazonie colombienne. C’est sur ce territoire que la
minière Cosigo a obtenu une concession d’or, au grand dam des Autochtones qui
craignent l’exploitation minière sur des sites sacrés. (...)
Les chefs de la région se sont unis pour
refuser l’exploitation de l’or sur leur territoire.
En 2009, le
gouvernement colombien a finalement cédé à la pression populaire et créé un
parc national pour protéger le territoire, écartant du même souffle la minière
canadienne.
Mais Cosigo n’avait pas dit son dernier mot
: elle a financé un groupe pour s’opposer à la création du parc. La minière
fait d’ailleurs présentement l’objet d’une enquête pour ingérence illégale lors
d’un processus de consultation.
Cosigo admet avoir financé l’opposition au
parc national, mais soutient que c’était légal.
Cette affaire s’est rendue jusqu’à la Cour
suprême de Colombie. En 2015, le plus haut tribunal du pays a maintenu la
création du parc.
La compagnie réclame maintenant 22 milliards
de dollars en dédommagement à la Colombie, même si elle n’a pas sorti une seule
pépite d’or de terre. «Cela représente les profits que Cosigo aurait pu
réaliser», explique le directeur des opérations de la minière canadienne, Andy
Rendle.
La réclamation sera entendue devant un
tribunal d’arbitrage international.
Les tribunaux d’arbitrage
Nombreux dans
le monde, les tribunaux d’arbitrage internationaux entendent les entreprises
qui s’estiment lésées par des décisions gouvernementales. (...)
Les entreprises peuvent poursuivre un pays
devant ces tribunaux, mais pas l’inverse.
Parmi les pays développés, le Canada est le
plus poursuivi, surtout par des compagnies des États-Unis. L’Américaine Lone
Pine Resources poursuit notamment le Canada pour 320 millions de dollars depuis
que le Québec a limité l’exploitation du gaz sous le fleuve Saint-Laurent.
Le Canada, paradis des minières
Même si elle
ne possède pas de mines au Canada, la compagnie Cosigo Resources a une adresse
postale en Colombie-Britannique, qui fait office de siège social. Elle est
aussi enregistrée à la Bourse de Vancouver.
Elle est donc officiellement canadienne,
même si son PDG vit aux États-Unis et que son actionnaire majoritaire est
américain.
Les minières sont attirées par le Canada en
raison du taux d’imposition plus faible
que dans la plupart des pays développés. Depuis le gouvernement de Stephen
Harper, les ambassades ont aussi pour mission d’aider les minières canadiennes
à l’étranger.
Plus de 1000 entreprises minières sont
inscrites aux bourses de Toronto et de Vancouver, même si la grande majorité
d’entre elles n’opèrent qu’à l’étranger.
Minières canadiennes : les nouveaux
conquistadors
Le
comportement de certaines minières canadiennes à l’étranger ternit la
réputation du Canada. Une équipe d’Enquête s’est rendue au Mexique et en
Colombie pour constater les conflits qui opposent des compagnies minières aux
communautés et aux gouvernements.
Banksy :
titre Rickshaw (huile sur toile 2011). L'esclavage moderne et l'asservissement
des enfants du tiers monde par les touristes occidentaux. Deux touristes corpulents,
symbolisant l'opulence et l'égocentrisme, tirés en pousse-pousse par un
enfant esclave.
La traite des personnes et la lutte
contre l’esclavage dans le monde moderne
Bien que
l’esclavage soit interdit dans tous les pays du monde depuis 1926, il n’en
demeure pas moins que des nations, des réseaux criminels et même des
particuliers continuent d’asservir sans vergogne des membres de la population,
souvent les plus pauvres. Bien qu’il revête une forme différente de la traite
des Noirs, l’esclavage contemporain se poursuit devant le regard détourné des
gouvernements.
En effet, selon l’Organisation internationale
du travail (OIT), 40 millions de personnes seraient victimes de cette horreur
ou de son dérivé : la traite des personnes.
Qu’il soit question de prostitution
involontaire, de servitude pour dettes, du travail forcé ou de celui des
enfants, d’immigration marchandée en échange de l’abnégation de droits
fondamentaux, de privation de libertés ou de confiscation de papiers
d’identité, encore beaucoup trop de personnes, et en grande majorité des
femmes, se voient offerts en pâture au mercantilisme éhonté de certains.
Malgré les traités internationaux entérinés
par les divers États, la traite des personnes n’a pas disparu et sévit encore
dans plusieurs régions du monde, Occident inclus. Dans le contexte d’une
mondialisation des échanges, le phénomène explose et prend une ampleur
nouvelle.
Les populations les plus pauvres en sont les
premières victimes, et il s’avère d’autant plus difficile de le combattre que
les pratiques abusives adoptent souvent des formes sournoises.
Il faudrait reconnaître la responsabilité
collective des pays riches, faire amende honorable et considérer la requête
africaine concernant l’annulation de sa dette en réparation de l’esclavage.
Une chose est certaine : des efforts musclés
devront être déployés afin de bannir, partout sur le globe et une fois pour
toutes, les violations des droits fondamentaux de tout être humain.
25 millions de personnes victimes du
travail forcé.
150 milliards de dollars de profits
illégaux.
NOUS POUVONS CHANGER L'HISTOIRE
Le Protocole
de l’Organisation internationale du Travail sur le travail forcé peut redonner
l’espoir et la liberté aux millions de personnes victimes de l’esclavage
moderne.
Mais le
traité international pour éradiquer l’esclavage moderne doit d’abord être
ratifié par les différents pays du monde.
VICTIMES DU TRAVAIL FORCÉ PAR TYPE
Travail forcé
imposé par l’État : 2 200
00 (10 %)
Travail forcé
aux fins d’exploitation sexuelle :
4 500 000 (22 %)
Travail forcé
aux fins d’exploitation de la
main-d’œuvre : 14 200 000 (68 %)