«La seule vraie misère ici-bas c’est de ne pas avoir de pays. Toutes les guerres sont faites pour voler celui qu’on n’a pas et garder celui qu’on a.» ~ Félix Leclerc
Il y a des prédateurs redoutables qui veulent s'emparer du plus grand nombre de pays possible – comme Vladimir Poutine (Hitler s'était essayé). Pour le moment, il se concentre sur l'Ukraine, faisant probablement un test pour voir jusqu'où il peut aller avec ses gros chars et ses missiles largués sur les populations civiles. Il aurait fallu que la communauté internationale intervienne agressivement dès le début pour stopper l'invasion. Or, on a plutôt regardé les Ukrainiens se faire massacrer, voler, violer et être privés d'électricité, de nourriture, d'eau potable – de tout le nécessaire à la vie quotidienne – de sorte que cette cruelle guerre d'usure s'intensifie et s'éternise.
Cartographie : Le Figaro
J'ai apprécié l'essai de Sergueï Jirnov : «L'engrenage; Que veut Poutine? Un ex-agent du KGB qui l'a connu décrypte la guerre d'Ukraine» / Éditeur : Albin Michel
La personnalité narcissique de Poutine fait penser au Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde – résumé à la fin de l'article (1).
Certains critiques reprochent à l'auteur d'être alarmiste – c'est sans doute parce qu'ils n'ont pas les yeux vis-à-vis des trous.
Cette citation de Vladimir Poutine n'offre aucune ambiguïté sur sa paranoïa *.
«Nos plans d'utilisation, j'espère que cela n'arrivera jamais, mais les plans d'utilisation théoriques [des armes stratégiques nucléaires] – c'est, comme on dit, une frappe de réponse par anticipation.
Qu'est-ce que ça veut dire?… Si quelqu'un décide de détruire la Russie, dans ce cas nous avons un droit légal de répondre.
Oui, pour l'humanité ce sera une catastrophe globale. Mais quand même, en tant que citoyen russe et chef de l'État russe, je veux me poser la question : «Avons-nous besoin d'un tel monde où il n'y a pas de Russie?» (Vladimir Poutine, président de Russie, extrait du documentaire «L'Ordre mondial 2018»)
Cela fait froid dans le dos. Mais une autre citation lors du forum de discussion Valdaï à Sotchi en 2018, est encore pire :
«L'agresseur doit savoir : le châtiment est inévitable, il sera de tout façon détruit. Et nous, en tant que victime d'agression, nous en tant que martyrs, irons au paradis, et ils mourront tout simplement. Parce qu'ils n'auront même pas le temps de se repentis.»
[On dirait un discours de terroriste djihadiste. Si l'au-delà existe, je suis certaine qu'une place VIP en enfer attend Poutine!]
Quelques citations qui vous inciteront peut-être à lire cet essai qui nous éclaire sur la vraie nature de Poutine et la guerre qu'il mène contre l'Ukraine.
* Dont voici quelques traits fondamentaux : un tempérament agressif associé au vécu d'une existence frustrée et revendicative avec des traits fondamentaux tels que l'hypertrophie du moi, la méfiance, la susceptibilité, la réticence, l'hypervigilance, la fausseté de jugement, l'autoritarisme, l'intolérance tyrannique et l'inadaptation sociale. (Source : Wikipédia)
P. 13 : Trois jours après le début des hostilités, Poutine a ordonné la mise en état d'alerte élevé de ses forces stratégiques nucléaires. Se préparait-il réellement à la troisième guerre mondiale ou bluffait-il? En tout cas, l'effet produit était radical. Sur les plateaux de télé, dans les rédactions, dans les chancelleries et les états-majors, mais aussi dans la rue et dans les foyers, tout le monde se posait les mêmes questions. Poutine est-il sérieux, Ça va le mener où? Envidage-t-il réellement l'emploi des armes de destruction massive? […]
Depuis le 24 février le monde suit sur les chaînes de télévision cette guerre féroce qui privilégie les bombardements des villes, y compris les hôpitaux, maternelles, ou école, malgré les mensonges russes sur les frappes concernant uniquement les cibles militaires.
P. 29 : À l'automne 2021, des mois avant le lancement des hostilités, des sources confidentielles russes m'annonçaient déjà la possibilité d'emploi d'armes tactiques nucléaires (de faibles charges, une ou deux kilotonnes, avec un rayon d'action relativement limité) dans le cadre d'une éventuelle intervention militaire russe.
Quand je l'ai mentionné sur les plateaux télé en France après le 24 février, cela a créé une stupeur des animateurs et du public. On m'a traité d'alarmiste farfelu et de complotiste irresponsable qui voudrait volontairement provoquer un «buzz» dans les médias pour mieux se vendre.
Trois jours plus tard, dimanche 27 février 2022, le monde entier a vécu une scène glaçante où le commandant en chef armées russes Poutine ordonnait, en direct à la télévision depuis son palais présidentiel, à son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et son chef d'état-major, Valeri Guerassimov, d'élever «en état d'alerte particulière» les forces nucléaires de la Fédération de Russie.
P. 34 : À la suite de la déclaration stupéfiante de Poutine, les «pays nucléaires» n'ont pu que réagir en état d'alerte plus élevé.
P. 38/39 : Alors en février 2022, après l'attaque russe sur l'Ukraine et les déclarations belliqueuses de Poutine concernant la mise en état d'alerte, la tension est-elle revenue? C'est ça le rêve soviétique du maître du Kremlin? C'est ça sa conception de la sécurité? Croit-il vraiment que brandir la menace ultime est la meilleure façon de conforter ses positions?
Ce qui se joue en Ukraine n'est plus un simple conflit régional, terriblement meurtrier mais géographiquement circonscrit. C'est la mise en pratique de la nouvelle doctrine russe qui s'est recréé un ennemi l'Europe, et son grand frère inconstant, les États-Unis.
Le risque que ferait courir au monde le recours aux armes stratégiques nucléaires a donc augmenté de façon spectaculaire ces derniers mois. […]
À l'heure où toutes les économies européennes et américaines sont inflationnistes, il s'en faudrait de peu pour que l'on soit plongé dans une guerre qui ne dit pas son nom. Tous les ingrédients, qui ton déjà conduit aux grandes guerres du XXe siècle, sont de nouveau réunis.
Ne nous y trompons pas. Poutine nous a déclaré la guerre, que nous le voulions ou pas.
Ce pourrait être la dernière.
P. 73 : Du déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne dès le mois de novembre 2021 jusqu'à l'utilisation de missiles hypersoniques en mars 2022 contre une cible militaire, ou de bombardiers Tupolev 22M3 pour larguer des bombes de trois tonnes sur Marioupol, tous les ingrédients macabres sont désormais réunis dans un engrenage à l'issue plus qu'incertaine. Et terriblement angoissante, après l'essai intentionnel du missile intercontinental nouvelle génération «Sarmat» capable de voler sur 18 000 kilomètre et porter 10 ogives nucléaires qui transformeraient Paris ou New York en champ de ruines.
P. 91/92 : Le Russe, dans son système de pensée pervers, ne respecte que ceux dont il a peur. Comme les lâches, il teste son adversaire et observe sa réaction afin de voir jusqu'où il peut aller. Des avions de chasse violent l'espace aérien suédois, un missile dévie par erreur sa trajectoire et passe au-dessus de l'ex-Yougoslavie, les réactions sont diplomatiques, aucune mesure de rétorsion militaire à l'encontre d'un geste qui pourtant devrait déclencher la mise en application de l'article 5 des traités de l'OTAN.
En novembre 2015, durant la guerre en Syrie, se déroule un autre incident dangereux: un avion militaire russe entre dans l'espace aérien turc. Il est abattu seize secondes plus tard par les Turcs. Cela aurait pu déclencher une guerre, il n'en a rien été. Poutine furieux, a réagi en imposant des sanctions économiques pendant deux mois, plus de pétrole pour les Turcs, ni d'entrées de devises pour la Russie, et plus d'importations de fruits et légumes! Erdogan l'a humilié mais le président russe a fini par présenter ses excuses. Pas de guerre mondiale.
[L'auteur rapporte plusieurs incidents très graves mais qui n'ont pas déclenché de guerres.]
P. 99/100 : Cette guerre ne vient pas de nulle part. Chaque jour qui passe, Poutine se révèle comme le digne héritier d'une longue tradition de coups tordus, d'assassinats, d'empoisonnements, et autres «raffinements» dont le défunt KGB n'était pas avare.
À commencer par le style employé par le Kremlin au sujet de cette invasion : «opération spéciale»! Le pur vocabulaire des services secrets. C'est un exemple frappant de la «guerre hybride» telle que définie dans la doctrine de Guerassimov : déstabilisation de l'intérieur, opérations de sabotage, cyberattaques, propagande, inversions accusatoires et bien sûr conflit militaire asymétrique.
Par ailleurs, on ne peut manquer de remarquer une série d'événements étranges en périphérie de cette guerre, qui m'ont interrogé. Une épidémie de morts suspectes a frappé plusieurs oligarques ces dernières semaines.
P. 104/106 : Mais les morts bizarres ne se limitent pas aux milliardaires malheureux. Il y en a d'autres.
[Les prétendus suicidés sont des industriels, des militaires, des opposants, des journalistes, etc.]
Le problème avec Poutine c'est que ce n'est pas la première fois que de telles épidémies de suicides et morts suspectes arrivent en vingt-deux ans de son règne. Qui seront les prochains?
P. 114/115 : Le 24 février, Poutine ordonne d'attaquer tout le territoire ukrainien : 80 objectifs sont visés, des frappes aériennes ont lieu sur des cibles militaires, mais aussi civiles. Alors qu'il prétendait vouloir défendre les populations russophones de l'est du pays, il perd toute crédibilité en visant d'autre régions. Il ne recule devant rien pour montrer sa «force», allant jusqu'à bombarder Lviv, dans l'ouest du pays, qui se trouve à soixante-dix kilomètres de la frontière polonaise. Or, ce grand pays est stratégique à la fois pour l'Europe et pour l'OTAN.
Vladimir Poutine bafoue sans conteste les lois de la guerre. Il proclame à la moindre occasion vouloir démilitariser et dénazifier l'Ukraine. C'est ridicule, tout le monde a compris que le pays n'a rien de fasciste. Mais il persiste à utiliser ce prétexte pour galvaniser l'opinion publique russe, en voulant transformer cette folie collective en une guerre patriotique. […] Un stratagème aussi ambitieux qu'absurde, puisque dès les premiers bombardements des civils sont visés, tout comme des hôpitaux pourtant identifiés, des immeubles d'habitation, des écoles, des bibliothèques. Cela porte un nom, celui de l'infamie dont sont marqués au fer rouge les tyrans : des crimes de guerre.
P 121 : Autre erreur d'appréciation : la posture des nations étrangères. En brandissant la menace nucléaire, le grand stratège vient de se mettre au ban d'une très grande majorité des nations. Il perd définitivement toute crédibilité et sa réputation d'homme d'État. Il est désormais celui dont on questionne la santé mentale, la logique géostratégique, à raison. Et s'il espérait un soutien appuyé des Chinois, là aussi il s'est trompé. La menace de sanctions économiques qui suivraient est certainement trop importante pour l'«usine du monde».
P. 124 / 126 : L'OTAN pourrait-elle intervenir en Ukraine? Les États-Unis, et d'autres, soutiennent l'Ukraine dans les limites de leur champ d'action légal, en envoyant du matériel militaire, médical, ou des aides financières. Aller plus loin serait reconnaître que l'Ukraine est membre de fait, de l'OTAN. Or, c'est ce que dit le Russe depuis le début! Ce serait donc lui donner raison. Cela pourrait justifier, du point de vue russe, des représailles massives… qu'on souhaite justement éviter.
L'élimination physique de Poutine? tant il incarne la source de nos frustrations et de notre impuissance? […]
Les plus radicaux d'entre nous voudraient que l'on envoie quelqu'un faire le job. Qui s'en chargerait? la CIA? le Mossad? le M16? […]
On sait que Zelensky est à Kiev, Macron à l'Élysée, mais Poutine, où est-il? La Russie a élevé son niveau de sécurité et acté la possibilité d'un conflit nucléaire. Il passe le plus clair de son temps dans l'un des bunkers anti-atomiques, dans les monts Oural et l'Altaï ou dans l'une de ses résidences officielles. Des sources affirment qu'il aurait deux «doublures», brouillant encore plus les pistes.
Autre problème de taille : l'armée et les services spéciaux qui veillent à sa sécurité. Au sommet, le FSO, service de la protection des personnalités, dont le président. Il compterait plusieurs dizaines de milliers d'agents, certains parlent de 40 000 officiers. Ils se tiennent en permanence autour de lui, formant jusqu'à quatre cercles de protection, armés de pistolets Sr-1 Gyurza tirant quarante balles par minute, capables de percer un gilet pare-balles à plusieurs dizaines de mètres de distance. Sans compter les tireurs d'élite, les limousines blindées qui peuvent tenir un tir direct de lance-grenades, les voitures d'accompagnement équipées de système de missile antiaérien portatif. Le résultat : Poutine est l'homme le plus protégé du monde. De quoi refroidir les plus déterminés.
[Comme je l'ai déjà souligné dans un autre article, Poutine est mieux protégé que Fort Knox où se trouve le Département du Trésor qui abrite la réserve d'or des États-Unis depuis 1937. Voyez «construction et sécurité» : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_Knox ]
L'hypothèse d'une élimination depuis l'étranger, depuis l'extérieur du système, est quasi impossible. Qui reste-il? Un proche? […]
P. 133 : La main de Poutine contre ceux qu'il nomme les "ennemis de l'intérieur" est désormais clairement identifiée. Tous ceux qui ne relaient pas les discours officiels disparaissent des écrans et des ondes.
P. 141 : Une révolution visant à renverser Poutine? Un coup d'État? Un assassinat? On dirait de la science-fiction. Aucun James Bond ne va sauter d'un avion en smoking, éliminer cinquante gardes du corps en poussant Vladimir dans un bain d'acide juste à temps pour aller déguster un dry-martini en bonne compagnie!
C'est peut-être un réfrigérateur vide qui permettra de sauver le monde. C'est certes beaucoup moins glamour, mais plus plausible. [L'auteur réfère à la guerre «chaude», soit les sanctions économiques.]
P. 158 : Les empires les plus puissants ont tous fini par s'écrouler, peut-être que Poutine serait bien inspiré d'y réfléchir s'il veut échapper à leur sort.
En complément – interview
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(1) Le portrait de Dorian Gray, ou la fausse image projetée par le pervers narcissique. Résumé : Dorian Gray, décide de poser pour son ami peintre afin qu’il fasse son portrait. Très vaniteux, et obsédé par sa propre image, Gray est alors fasciné par le résultat du tableau : à un tel point, qu’il ressent une jalousie irrationnelle pour la représentation de lui-même. «Si le tableau pouvait changer tandis que je resterais tel que je suis!» et pour ce faire, il vend son âme. Son souhait se réalise alors : Gray conserve sa beauté et son jeune âge, tandis que le tableau vieillit à sa place tout au long de sa vie. Gray multiplie les ignominies et les crimes, provoque le suicide de sa future femme, assassine son ami peintre, et vit dans la crainte que son secret soit découvert. Son tableau change alors progressivement, le visage prend un aspect abject, vaniteux, et monstrueux, la peau est rongée et sanguinolente… Après plusieurs années à vivre dans la tourmente, Dorian Gray finit par se retourner contre le tableau et à planter un couteau dans la toile… Celui-ci meurt alors sous les trait d’un vieil homme répugnant, alors que le tableau, quant à lui, retrouve son aspect originel.