Des juges d'extrême droite, fanatiques religieux, vieux jeu, pas évolués pour deux sous, des fossiles originaires d'un site archéologique, ont sorti leur faucille pour faucher définitivement le droit à l'avortement sécuritaire (médical) pour les Américaines. Une décision agressive, irrationnelle, obscurantiste, basée sur la haine et la domination des femmes qui doivent se plier à la servitude reproductrice. Or ce faisant, la Cour suprême déclare la guerre au 14e amendement, que voici – Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des États-Unis et de l'État dans lequel elle réside. Aucun État ne fera ou n'appliquera des lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis; ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière; ni ne refusera à quiconque relève de sa juridiction l'égale protection des lois.
Les hillbillies (morons) des États de la Ceinture de la Bible (Bible Belt) doivent jubiler.
La journaliste Isabelle Hachey (La Presse / 25.06.2022), mentionne une probable entente entre Trump, avide de pouvoir, et les fondamentalistes, avides de contrôle religieux : «Donnez-moi votre soutien, je vous donnerai la Cour suprême.» Ce qui fut fait.
Dans les articles qui suivent, il y a des redondances, mais à mon avis on ne poussera jamais le bouchon assez loin.
Émotionnellement nue : dépouillée de mon autonomie
Linda Sharp / 24.06.22 / Don’t Get Me Started
Photo : la juge Coney Barrett, entre autre adepte de la glossolalie
Coney Barrett, en collaboration avec ses collègues christofacistes, a annulé l'arrêt Roe contre Wade. Non pas que nous ne l'ayons pas vu venir. Une fois le projet divulgué, il a été écrit avec du sang sur le mur. Et comme prévu, une fois que la gâchette a été pressée, les balles législatives ont commencé à être tirées dans tous les états, rendant l'avortement illégal. Ce matin même, le gouverneur de la Caroline du Sud, M. McMaster, a déclaré qu'il allait déposer des motions «pour que la loi sur les battements de cœur des fœtus entre en vigueur en Caroline du Sud». Le procureur général du Missouri, Eric Schmitt, a signé un avis du procureur général qui mettra effectivement fin à l'avortement dans cet État. Il a tweeté : «C'est un jour monumental pour le caractère sacré de la vie».
Une question pour vous messieurs – oui, même ceux d'entre vous qui sont des alliés : avez-vous la moindre idée de ce que ce jour représente? Non, non, vous ne le savez pas. Vous pouvez voir votre sœur ou votre frère pleurer, fulminer, la fumée lui sortant des oreilles, mais VOUS NE SAVEZ PAS.
Personne n'a jamais voulu s'emparer de votre pénis et il n'y a pas de législation qui cible vos testicules. Essayez donc, pendant un instant, d'imaginer ce que vous ressentiriez si, tout à coup, ils ne vous appartenaient plus effectivement, mais à l'État. Que vous n'auriez pas l'autonomie nécessaire pour prendre des décisions à leur sujet. Vous ne pourriez plus vous masturber car ce que vous expulsez est la moitié des composants de la vie. Si vous aviez un cancer des testicules ou des problèmes de prostate, vous ne pourriez pas les faire soigner, réparer ou enlever parce que vous «tueriez» des spermatozoïdes bien vivants. Sans traitement, vous pourriez mourir. C'est vraiment triste et regrettable, mais vous ne pourriez pas être soigné, messieurs. Ces spermatozoïdes comptent plus que le sac de viande sensible qui les contient.
LES AVORTEMENTS AURONT TOUJOURS LIEU. MAIS ILS NE SERONT PLUS SÉCURITAIRES. Et ne vous y trompez pas – ce qui s'est passé aujourd'hui est solidement lié au fait que les chrétiens imposent leurs croyances par la loi. Parce que s'il y avait une véritable liberté religieuse, TOUTES les religions seraient prises en compte, et les juifs et les musulmans pourraient toujours entrer dans une clinique d'avortement à volonté. Leurs religions autorisent l'avortement. Bon sang, mon statut de de non croyante autorise l'avortement. Mais nous vivons en Amérique. Où une boule de cellules qui se divise reçoit plus de soins et d'attention qu'un véritable enfant qui meurt de faim, est maltraité ou tué en classe. Où le droit à une arme à feu est étendu et protégé au niveau fédéral par la SCOTUS (pas plus tard qu'hier), mais où le droit à une procédure médicale est réparti entre les États qui salivent à l'idée de rendre tout cela illégal.
Nous vivons dans un paysage d'enfer. Nous regardons nos concitoyens se faire dépouiller de leurs droits sous nos yeux.
Nous sommes des personnages de La servante écarlate (The Handmaid's Tale) qui prennent vie.
Ce que je ressens est global. Je suis livide. Je bouillonne. Je suis à vif. Mais ce que je suis aussi, c'est une FEMME.
Les républicains n'ont aucune idée de ce qu'ils viennent de déclencher. Nous n'avons même pas encore commencé à rugir.
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C’est la fin pour «Roe v. Wade», qui protégeait l’avortement
Stéphanie Marin / 24 juin 2022 / Monde
C’est la fin d’une ère. La Cour suprême des États-Unis a invalidé sa décision de 1973, Roe v. Wade, qui protégeait, avec certaines limites, le droit des femmes à l’avortement.
Ce jugement à 6 contre 3, rendu public vendredi, ne rend pas l’avortement illégal. Mais il enlève la barrière de protection nationale érigée par Roe v. Wade et désormais, les 50 États américains pourront faire comme bon leur semble et restreindre, voir complètement interdire les avortements à l’intérieur de leurs frontières.
Il est attendu que l’interruption volontaire de grossesse sera désormais illégale dans la moitié des États, dont plusieurs du Midwest et du sud du pays. […]
Impact pour les femmes
Ce jugement fort attendu du peuple américain signifie aussi la fermeture de nombreuses cliniques où se pratiquaient encore des avortements dans des États conservateurs. Quelque 200 d’entre elles risquent de mettre la clé sous la porte rapidement, soit environ le quart de celles existant aux États-Unis, selon un récent rapport du groupe de recherche Advancing New Standards in Reproductive Health.
Les femmes qui habitent dans ces états et qui désirent une interruption volontaire de grossesse n’auront d’autre choix que de traverser les frontières et se rendre à des milliers de kilomètres de chez elles pour trouver une clinique dans un État où la procédure sera encore permise. Celles qui n’en ont pas les moyens financiers vont subir encore plus de conséquences, relèvent les trois juges démocrates.
Cela signifie aussi que le droit des femmes à leur autonomie corporelle variera – encore plus considérablement qu’actuellement – d’un État à l’autre.
Le jugement rendu vendredi par la Cour confirme en bonne partie la version qui avait coulé dans le média américain Politico au début du mois de mai. Vu les conclusions de cette ébauche, les groupes pro-avortement étaient sur le pied d’alerte depuis deux mois.
Roe v. Wade avait résisté à bon nombre d’attaques judiciaires depuis près de 50 ans. Au gré des élections et des nominations de juges républicains, plusieurs s’en étaient pris à la décision phare du plus haut tribunal américain.
La dissidence démocrate
«Avec tristesse – pour cette Cour, mais surtout, pour les millions de femmes américaines qui ont perdu aujourd’hui une protection constitutionnelle fondamentale – nous inscrivons notre dissidence.»
Les trois juges démocrates de la Cour finissent en ces sombres termes les dizaines de pages de leur avis dissident : «Depuis un siècle, Roe et Casey ont protégé la liberté et l’égalité des femmes» et leur droit de décider pour elles-mêmes si elles veulent ou non porter un enfant.
Aujourd’hui, la Cour jette ce droit au rancart. «Elle dit qu’à partir du moment de la conception, une femme n’a plus de droit à proprement parler. Un État peut la forcer à mener sa grossesse à terme, peu importe l’exorbitant coût personnel et familial.»
Des États ont déjà adopté des lois qui ne comportent aucune exception pour le viol ni l’inceste : une jeune fille devra donc porter l’enfant de son violeur et même celui de son propre père, relève les juges dissidents. «Mais peu importe les lois étatiques qui seront adoptées : un résultat de la décision d’aujourd’hui (vendredi) est certain : la réduction des droits des femmes et de leur statut en tant que citoyennes libres et égales.»
Dans certains États, rien ne changera : l’avortement demeurera vraisemblablement accessible comme avant. Mais dans plusieurs, il risque d’être interdit, sauf pour de rares exceptions. Et dans d’autres encore, il pourrait être un crime en tout temps, à la fois pour la femme qui veut l’obtenir et pour ceux qui lui viennent en aide. Ces femmes risquent donc d’avoir des antécédents criminels pour avoir obtenu une interruption de grossesse alors que leurs voisines de l’État d’à côté n’auront pas à faire face à de telles conséquences judiciaires.
Le Texas et l’Oklahoma, par exemple, ont récemment interdit tout avortement au-delà de six semaines de grossesse – à un moment où bien des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes. Ces lois demeuraient fragiles et sujettes à contestation sous le régime de Roe v. Wade. Désormais, elles n’ont plus d’obstacles.
Au Canada, l’avortement a été un crime jusqu’en 1988, lorsque la Cour suprême du Canada a invalidé l’article du Code criminel qui l’interdisait.
https://www.ledevoir.com/monde/726810/c-est-la-fin-pour-roe-vs-wade-qui-protegeait-l-avortement
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Une véritable catastrophe
Marie-Andrée Chouinard / 24 juin 2022 / Le Devoir
Incroyable mais triste et horrible vérité, les femmes ne pourront plus disposer de leur corps comme bon leur semble, en tout cas dans la moitié des États américains. Ce pays se targue de compter parmi les démocraties protégeant le plus vigoureusement les droits de ses citoyens, mais avec une majorité ultraconservatrice bien installée par Trump au plus haut tribunal du pays, les droits des femmes sont en berne. Il s’agit d’un recul révoltant.
La décision était attendue et n’a surpris personne, mais elle n’en est pas moins catastrophique. Sitôt la décision rendue vendredi matin, des militants anti-choix ont célébré en liesse devant la Cour suprême la fin de l’arrêt Roe v. Wade, pendant que, dans le camp des pro-choix, on mesurait avec effroi les conséquences immédiates pour la liberté fondamentale des femmes de disposer de leur corps comme elles l’entendent : dans au moins la moitié des États américains, il est entendu que l’avortement sera limité ou interdit, puisque le jugement leur en retourne la responsabilité législative. Des États ont immédiatement réagi en brandissant des législations limitant ou interdisant l’accès à l’avortement.
C’est un jour sombre. Alors que des avancées sont notées partout dans le monde eu égard à la santé reproductive des femmes, alors même que des pays longtemps menés par des lobbys très religieux relâchent peu à peu leurs verrous pour redonner aux femmes le choix qui leur revient, l’une des plus grandes nations du monde retourne 50 ans en arrière. Le président démocrate, Joe Biden, assiste, impuissant, à l’effritement des droits des femmes; il subit avec son peuple l’héritage de son prédécesseur, Donald Trump, qui a semé aux premières loges de la Cour suprême des ultraconservateurs dont les idéologies pourraient continuer à démolir des acquis.
Montage photo : Daze Digital
Six juges – dont les trois nommés par l’ex-président Trump – ont souscrit à l’idée selon laquelle l’interprétation juridique de 1973 était «complètement erronée». «Le pouvoir de réglementer les avortements est donc retourné au peuple et à ses représentants élus», écrit la majorité. La Cour suprême démolit impunément des années d’âpres luttes pour protéger le droit à l’avortement. On sait malheureusement la sombre suite qui s’écrira pour les femmes : des cliniques fermeront, des citoyennes devront parcourir des milliers de kilomètres et payer des sommes – qu’elles n’auront pas – pour trouver un service, des manoeuvres illégales et dangereuses s’opéreront dans la clandestinité. Un véritable scénario d’horreur.
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Ce jugement balafre des droits, mais il abrite un autre scandale, et c’est celui de ne pas s’accorder à la volonté des citoyens américains. Selon un récent sondage effectué par le Pew Research Center, 61 % des Américains croient que l’avortement devrait être légal dans toutes ou quelques situations; à l’inverse, 37 % estiment que ça devrait être illégal dans toutes ou quelques situations. L’opinion des citoyens varie selon qu’on modifie quelques variables, comme le nombre de semaines de grossesse, par exemple. Avec ce recul sociétal immense, la Cour suprême s’inscrit donc en faux contre la volonté du peuple.
Jeudi, elle avait exprimé un autre jugement rétrograde et contraire au bon sens, en invalidant une loi new-yorkaise encadrant le port des armes, le tout en plein coeur d’un débat politique destiné pourtant à mener à l’issue contraire à l’échelle du pays. Et cela, à nouveau à l’encontre de la volonté de la majorité des citoyens, qui veulent des gestes concrets pour que diminue le nombre de décès par balle. À six juges contre trois, la Cour a déclaré non valide une loi qui venait imposer des limites au port d’une arme de poing dans l’espace public. Cette sortie rétrograde survient quelques semaines à peine après les tueries d’Uvalde et de Buffalo. Le 21 juin, des sénateurs démocrates et républicains avaient pourtant donné le signal d’une possible grande avancée en proposant un projet de loi, adopté vendredi, pour mieux baliser la vente d’armes.
Législatif, exécutif, judiciaire : trois pouvoirs valsent aux États-Unis dans des cadences distinctes et sur un fond de schisme entre le camp des démocrates et celui des conservateurs. Le pouvoir judiciaire, mené par une frange conservatrice décidée à rogner les progrès, vient de montrer jusqu’où il peut étendre son bras, redonnant aux États qui suivent sa gamme le loisir d’imposer en leurs frontières une loi conforme à leurs valeurs.
Ces jours-ci, la commission d’enquête sur le 6 janvier permet d’ausculter l’ampleur des dérives orchestrées par Donald Trump : il a inventé une mascarade aux allures de fraude électorale ; il a encouragé ses partisans à prendre d’assaut le Capitole ; il a tenté d’inféoder le pouvoir judiciaire en voulant le forcer à valider son mensonge. Cette impunité désinvolte et crasse constitue un legs bien malodorant dont les effluves s’étendent sur le pays et fragilisent les droits des citoyens.
https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/726918/avortement-une-veritable-catastrophe