29 août 2016

Le cinéaste au grand coeur


André Melançon et Andrée Lachapelle, 6 juin 2013  
Cérémonie d’investiture de l’Ordre national du Québec. (Photo : Simon Villeneuve)

«Le regard... le regard que la mère de Romain Gary portait sur son fils, euh... tu n’y échappes pas. Tu es condamné à créer, à écrire. Parce que je repense au regard de ma mère sur mes séances dans le garage double de mon père et ce qui est fascinant c’est qu’on ne doute pas de la puissance du regard d’admiration de la part de quelqu’un qu’on aime~ André Melançon

Cette citation est tirée du documentaire :
André Melançon, le grand gars des vues
Scénario / réalisation, Luc Cyr; Producteur, Vic Pelletier; Groupe PVP DOC III 2015
http://ici.tou.tv/personnalites/S2016E18?lectureauto=1

Je ne répéterai pas les éloges unanimes de celles et ceux qui ont connu intimement le cinéaste, concernant sa bienveillance, sa gentillesse, sa présence et l’attention qu’il portait aux gens. Mais je ne veux pas cacher ma profonde tristesse; on éprouve souvent un sentiment d’abandon quand un grand esprit quitte notre monde.

Pour moi, Andrée Lachapelle et André Melançon sont des modèles de noblesse :
«Parce qu'elle est fondée sur l'humilité et qu'elle implique de se défaire de soi pour se mettre au service de l'autre, la véritable gentillesse est une attitude profonde et engageante, qui anoblit l'être humain.» ~ Emmanuel Jaffelin (auteur des essais Éloge de la gentillesse et Petit éloge de la gentillesse)

«Lorsqu’une heure n’est pas seulement une heure, mais un peu d’éternité déposé entre nos mains, comment savoir ce qu’il faut en faire?» ~ Tennessee Williams 

Voici les remerciements du cinéaste au gala du cinéma québécois, le dimanche 15 mars 2015, au Monument-National :

«Je tiens tout d’abord à remercier, du plus profond de mon cœur, les membres du comité qui ont choisi de m’accorder cet honneur.

Je suis cinéaste depuis plus de quarante ans et j’ai toujours considéré ce métier comme un immense privilège. L’attention que vous m’accordez ce soir enveloppe ce privilège d’une chaleur et d’une ferveur particulières.

Permettez-moi de saluer à mon tour trois groupes de cinéastes qui occupent une place essentielle à l’intérieur de mon parcours professionnel. Je veux parler de ceux et celles d’avant, de ceux et celles de pendant et de ceux et celles d’après.

Je salue d’abord les premiers cinéastes québécois, ces hommes et ces quelques femmes, qui ont ouvert la voie, qui ont tracé les premiers sillons. Ces cinéastes des années 50 et 60 nous ont légué, à travers leurs premiers documentaires puis leurs premières fictions un regard et une écoute d’un peuple en devenir. Venus d’horizons divers, ces pionniers ont créé et enraciné une cinématographie qui nous appartient. Nous savions lire et écrire; ils nous ont appris à regarder, à écouter et à raconter. Merci à ces artisans, à cette équipe française de l’Office National du Film. Ces cinéastes ont instauré ce qu’il conviendrait d’appeler la première école de cinéma au Canada.

Je salue ensuite les cinéastes, ces hommes et ces femmes (un peu plus nombreuses), qui ont pris le relais et qui ont poursuivi cette quête indispensable de nos racines et de nos destinations. Cette seconde génération, à qui je me réjouis d’appartenir, a provoqué, en quelques décennies, l’éclatement et la pluralité des genres, des styles, des langages cinématographiques. Elle a aussi assuré les bases d’une industrie cohérente et inventive qui, contre vents et marées, se bonifie avec les années. J’ai partagé avec ces cinéastes de grands moments de bonheur et d’inévitables périodes de doutes, de questionnements et de combats. Je les en remercie. 

Je salue enfin les cinéastes, ces hommes et ces femmes (heureusement encore plus nombreuses), qui, marchant derrière nous, assument le relais, la poursuite de nos quêtes tout en créant leurs propres références.

Permettez, jeunes hommes et jeunes femmes, à un vieux qui n’est pas encore tout à fait sage de vous soumettre sans vergogne quelques modestes recommandations :

Étonnez-nous, questionnez-nous, bousculez-nous.

Faites nous rire, faites nous pleurer; c’est important.

Faites nous penser; c’est important.

Faites nous rêver; c’est essentiel.

Proposez-nous des façons nouvelles, différentes de voir le monde.

Amenez-nous vers l’ouverture et l’empathie.

À l’image de ce très beau titre de film de Michel Brault et de Pierre Perrault, faites cet admirable métier POUR LA SUITE DU MONDE.

Longue vie à la culture québécoise.

Longue vie au cinéma québécois.

Et longue vie à la cinémathèque québécoise.» 

Transcription : Marc André Lussier, La Presse 16 mars 2015
http://blogues.lapresse.ca/moncinema/lussier/2015/03/16/jutra-les-paroles-dandre-melancon-et-de-xavier-dolan/ 

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