28 octobre 2014

Le viol télépathique

Photo : Francesca Woodman (1978-1979, New York)  

Enceinte

Je suis enceinte de prés verts…
Je porte en moi des pâturages…
Que mon humeur soit drôle ou sage,
je suis enceinte de prés verts…

Belle est l’image!
Doux le langage…
“Je porte en moi des pâturages…”

Et tout à la fois, mais qu’y faire?
je suis enceinte de déserts.
Et de mirages.
Et de chimères
De grands orages.
De regrets à tort à travers.
De rires à ne savoir qu’en faire.

Et mes grossesses cohabitent.
En tout mon être. Sans limite.

(Je cours après mon ombre, 1981)

~ Esther Granek (poétesse belge francophone née à Bruxelles le 7 avril 1927) 

-------

Notre sexocratie conditionne les gens, directement et indirectement, pour qu’ils pensent «sexe» quand ils se rencontrent. La télé, le cinéma, les livres, les magazines, la radio, Internet, bref, presque tous les médias poussent les gens à imaginer sans cesse toutes sortes de mises en scène sexuelles (peu importe qu’ils les manifestent physiquement ou non). Chez plusieurs, ces fantasmes sont rejoués mentalement en continu. À mon avis, les hommes sont plus vulnérables; des recherches en psychologie ont démontré qu'ils éprouvent des désirs sexuels (ou ont des pensées sexuelles) à toutes les sept minutes!

L’épidémie a atteint une telle proportion que, où que nous allions, où que nous regardions, nous butons sur des sous-entendus, des insinuations et des incitations qui tiennent du harcèlement sexuel. Du sexe mur à mur, commentait une sexologue. Si l’on est quelque peu sensible à cette dynamique, il est facile de «voir» ou de «ressentir» les projections mentales sexuelles des gens en public – un genre de drague psychique ou d’encan silencieux… L’intrusion peut parfois être aussi pénible (à un autre niveau) que le viol physique car elle se fait sans le consentement de la victime.

La banalisation du sexe, c’est-à-dire l’habitude de considérer la compulsion et l’obsession sexuelles comme «normales», et de voir la vie uniquement sous cet angle, a pris une ampleur déroutante. En vérité, on nous traite comme des chiens de Pavlov, et plusieurs en bavent un coup. D’où l’importance d’apprendre la maîtrise mentale en la matière, c’est possible, et cela n’a rien à voir avec une quelconque forme de puritanisme. C’est juste une question de respect envers l’autre. Mais le respect de nos jours? Autant chercher une aiguille dans un tas de foin. Par contre on a trouvé des aiguilles à coudre dans les frites congelées de l’usine Cavendish Farms (P.E.I)! C’est bien pour dire...

Voici un excellent article sur le viol télépathique (ou par les yeux, visuel, virtuel, etc.).

(Extraits / traduction maison)

Il est impossible d'empêcher quelqu'un
de vous baiser par le regard (Eyefucking)  
Par Leah Beckmann

Photo via le site Medium*  

Nous avons demandé à 10 femmes dans huit pays de noter chaque cas de harcèlement (sur la rue), chaque catcall, chaque ass-ogle (se faire lorgner le derrière), chaque regard sexuellement explicite – pendant une semaine. Résultat? De bonnes raisons d’avoir envie de s’enfermer.

Le Catcalling (un joli nom symbolisé par l'image d'un chaton au téléphone servant de cache à un comportement super grossier) est une chose que les femmes subissent partout dans le monde, dans chaque ville et pays, tout le temps.


Certaines femmes pensent qu’il s’agit d’un compliment; qu'une promenade sur Confidence Avenue est non seulement saine, mais qu'entendre les commentaires de mâles inconnus, habituellement criés d’un coin de rue ou d’une voiture qui passe, est «valorisant». C'est… un point de vue très douteux. Pour la plupart d'entre nous, le catcalling est au mieux mortifiant; au pire, il nous donne envie de leur arracher les yeux.

Alors. Le harcèlement sexuel envers les femmes (sur la rue) est-il aussi répandu qu'on l’imagine? En septembre, nous avons demandé à des femmes de 10 villes différentes de tenir un journal pour noter toutes les attentions indésirables à leur égard, incluant chaque avance de la part d'un inconnu, chaque regard et sourire concupiscents et les "Hey baby!".

Endroits : New-York, San Francisco, Los Angeles, Mexico, Berlin, Italie, Mongolie, Tel Aviv, Nairobi, Singapour.

Voici ce que nous avons appris :

1. Basé sur les expériences individuelles de ces 10 femmes, Mexico est la pire du groupe - avec 29 catcalls dans la même semaine. San Francisco et Nairobi se disputaient la seconde place, avec 17 et 16 catcalls. Tel Aviv et Occidental College de L. A. en avait le moins, seulement deux. (Pour notre correspondante d’Occidental College, les deux catcalls sont arrivés hors campus, de sorte qu’on pourrait attribuer un zéro au collège.)


Graphique via le site Medium

2. L'Italie l’emporte pour le stéréotype culturel le plus vrai. À défaut de grands cris, avec leur "Mama mia! quand la lune se reflète dans tes yeux je suis comme une pizza au pepperoni", les mâles de Rome, de Sicile et de Cinque Terre n’auraient pas pu l’avoir davantage sur le nez, même en se forçant.

(...)

8. Dans plusieurs villes les hommes semblaient très préoccupés par le sourire des femmes. Les catcalls les plus communs étaient des variations de : "Je peux avoir un sourire?" ou "Hé fille! t’as oublié comment sourire?"

(...)

13. Les hommes aiment souvent – souvent – reluquer les seins et les fesses des femmes; et le reste de leur corps. L'un des "thèmes" les plus courants relevés par les femmes était le regard persistant sur leurs jambes quand elles marchaient.

14. Les clichés ne s'appliquent pas seulement aux travailleurs de la construction.

(...)

17. Donc : que signifie tout cela? Cela signifie que nous devrions examiner de très près le monde qui nous entoure. Je veux dire physiquement, dès maintenant, ouvrez les yeux et regardez yeux et regardez dans le bosquet là. Y a-t-il un homme caché dedans? Parce qu'il y a une chose que nous savons : peu importe où nous en sommes dans ce vaste monde qui est le nôtre, quand une femme marche pour se rendre au travail, ou s’acheter des chaussures à talons ou des tampons à l'épicerie, ou quand elle chante Taylor Swift dans sa Jetta, ou qu’elle est debout, littéralement juste debout n'importe où sur la terre ferme, on trouvera toujours un pervers pour exiger une preuve que la dame se souvient comment sourire.

Article complet en anglais – ça vaut la peine de lire les témoignages des 10 femmes :
https://medium.com/matter/its-impossible-to-prevent-someone-from-eyefucking-you-a1cd688392b2

* Source : Medium – un site participatif d’une grande richesse où tout le monde peut soumettre ses idées et ses histoires
https://medium.com/about/welcome-to-medium-9e53ca408c48

Aucun commentaire:

Publier un commentaire