17 septembre 2014

Richesse de vie intérieure


On peut facilement imaginer toutes sortes d’histoires autour de ces deux photos. Que ressentent ces enfants? Un mélange de crainte, d'excitation, de joie, de défi, de dépassement?

En tout cas, on peut avoir beaucoup de fun sans jamais aller à Disneyworld…!

Richesse de vie intérieure
Par Martha Nussbaum

Ne méprisez pas votre monde intérieur, voilà le premier et le plus sommaire des conseils que je pourrais offrir. Notre société est très extravertie et subjuguée par les gadgets dernier-cris, les plus récents ragots et les moindres opportunités d’affirmation de statut. Mais nous avons tous commencé notre vie en tant que nouveau-nés impuissants, dépendant d’autrui pour leur confort, leur nourriture et leur simple survie. Même si nous atteignons un certain degré de maîtrise et d'indépendance, nous demeurons toujours fragiles, incomplets, comptant sur les autres et un monde incertain pour tout ce que nous pouvons réaliser.

En vieillissant, nous développons une large gamme d'émotions en réponse à cette difficile contrainte – peur d’éventuelles situations difficiles que nous ne pourrions repousser; amour envers ceux qui nous aident et nous encouragent; chagrin à la perte d’un être cher; espoir en d’éventuelles situations favorables; colère si quelqu’un détruit quelque chose que nous aimons. Une créature sans besoins n’aurait aucune raison d’avoir peur, de souffrir, d'espérer ou d’être en colère. Notre vie émotionnelle traduit notre état de créature incomplète. Et, c'est pour cela que nous avons souvent honte à la fois de nos émotions et de nos relations fondées sur le besoin et la dépendance. [...] Les gens ne savent pas comment composer avec leurs propres émotions ou n’arrivent pas à les communiquer. Quand ils ont peur, ils ne savent pas comment le dire, ou n’arrivent même pas à en être vraiment conscients. Souvent ils convertissent leur propre peur en agression. Et, l’absence d’une vie intérieure riche finira souvent par les catapulter dans la dépression. Éventuellement, nous faisons tous face à la maladie, au deuil et au vieillissement, mais nous ne sommes pas bien préparés pour ces événements inévitables car notre culture nous pousse à ne penser qu’aux apparences et à nous mesurer sur l’échelle des possessions extérieures.

Quel serait le remède à ces maux? Un genre d'amour de soi qui ne rapetisserait pas à cause du besoin et de la dépendance. Nous accepterions plutôt cette contrainte avec intérêt et curiosité tout en essayant de trouver un moyen d’exprimer nos besoins et nos sentiments. Raconter des histoires joue un grand rôle dans ce processus. Quand nous racontons la vie des autres, nous apprenons à imaginer ce que l’autre ressent face à diverses situations. Simultanément, en nous identifiant à l'autre, nous apprenons quelque chose sur nous. Avec le temps, des histoires de plus en plus complexes nous parviennent par la littérature, le cinéma, les arts visuels et la musique, et celles-ci nous offrent une compréhension plus riche et subtile des émotions humaines et de notre propre monde intérieur.

Mon deuxième conseil, étroitement lié au premier, serait donc : lisez beaucoup d'histoires, écoutez beaucoup de musique, et réfléchissez à ce que ces histoires peuvent signifier dans votre propre vie et celle des gens que vous aimez. Ce faisant, vous ne serez pas seul avec un moi vide; votre nouvelle vie intérieure s’enrichira et renforcera les possibilités de réelle communication avec les autres.

Martha Craven Nussbaum est philosophe et professeur de droit et d'éthique à la chaire Ernst Freund Distinguished Service de l'Université de Chicago; son tutorat inclut la philosophie. Elle s’intéresse particulièrement à la philosophie gréco-romaine, à la philosophie politique, au féminisme, à l'éthique et aux droits des animaux.

Septembre 2014
Source : http://www.awakin.org

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